L’usage du monde, entre écologie et philosophie
En collaboration avec Foll’Avoine, nous avons inauguré l’année avec un ciné-débat très réussi le dimanche 26 janvier au cinéma Le Paradiso autour du film L’usage du monde d’Agnès Fouilleux. Un moment très réussi parce que la salle du Paradiso était totalement remplie d’un public qui est ensuite très majoritairement resté au débat, très réussi ensuite parce que le documentaire, outre la qualité de ses images, nous offrait la possibilité de réfléchir sur une question centrale aujourd’hui : celle de notre rapport à la nature.
« La Terre n’est pas la planète des hommes. »
Grâce à la présence d’un archéologue interviewé sur un lieu de fouilles de la vallée du Rhône, cette question était placée dans une perspective historique ce qui nous a permis de comprendre que notre partenariat avec la nature était une question de culture et que celle qui prévaut aujourd’hui est à la fois très récente, très occidentale dans ses origines et très destructrice. Cela nous conduit à nous interroger sur les traces que nous laisserons pour les archéologues du futur qui scruterons nos déchets plastiques et autres et en déduiront notre rapport délétère au vivant. Le documentaire montre aussi, à travers les témoignages d’anthropologue, d’agriculteurs et de forestiers combien il est important de laisser de vastes espaces où la nature peut s’épanouir librement hors de la maitrise humaine.
La présence de la réalisatrice Agnès Fouilleux a aussi rendu passionnant les débats qui ont suivis. Ses films précédents témoignent de ces centres d’intérêt : deux documentaires sur les exilés tibétains, un film sur la situation à Mayotte (2007), Small is beautifull (2011), plaidoyer pour l’agriculture paysanne, Être plutôt qu’avoir (2017) qui interroge les valeurs que doit transmettre l’école. De formation scientifique, Agnès s’est appuyée sur l’expérience de la Convention citoyenne pour le climat pour considérer que l’apport de citoyens éclairés tirés au sort pouvait être décisif et regretter qu’il n’en ait pas été tenu compte. Elle observe qu’il y avait là une belle démonstration de ce qui pourrait être fait pour sortir de notre rapport destructeur à la nature et faire vivre une démocratie impliquant vraiment chaque citoyen. Elle croit aussi beaucoup à l’action des associations qui défendent localement un rapport de partenariat avec la nature.
Le débat a aussi été nourri pour les apports philosophiques de Pierre-Jean Dessertine auteur du livre : Pourquoi l’homme épuise-t-il sa planète ? Pierre-Jean a souligné que l’homme était « habitant de la planète » et de ce fait avait eu dans l’histoire la capacité par son travail d’aménager, pour son confort, toute sorte de milieux. Il a aussi souligné l’apport des philosophes grecs qui, au 7° siècle avant notre ère, sortant des explications mythologiques, avaient commencé à construire des explications de la nature fondées sur la raison. Par ailleurs, ces mêmes philosophes ont souligné que les hommes étaient des animaux politiques, capables de construire collectivement la manière dont ils voulaient vivre ensemble et habiter la terre.
À un moment où l’humanité, matériellement toute puissante, se trouve piégée par des pouvoirs qui s’entêtent dans la voie sans d’autres issues que la destruction du vivant, ce ciné-débat nous a tous invités à chercher inlassablement à comprendre ce qui nous arrive et à continuer à agir.