Reconstruire les bases d’un monde en Paix

La deuxième conférence de la série « Trois défis pour le XXIème siècle », proposée en partenariat avec la Bibliothèque et le Foyer rural de Ménerbes, a eu lieu Samedi 29 mars. Comme pour la première, le public était au rendez-vous : la salle était comble et les discussions après la conférence très fructueuses.

Après avoir exploré la question de la préservation des bases du Vivant samedi 9 octobre, Paul a partagé et mis en débat sa réflexion sur un deuxième défi de taille : reconstruire les bases d’un monde en Paix. Voici l’essentiel de son exposé, pour poursuivre le questionnement et contribuer à poser les bases qui permettront un espoir.

Ci-dessous une retranscription audio de la conférence :

Un point de vue marqué par mon vécu

La réflexion que je vais partager et mettre en débat avec vous est le fruit de nombreuses lectures et de mes connaissances en histoire comme en géographie. J’ai dit « mettre en débat » car je n’ai aucune prétention à vous apporter la vérité sur ce sujet et que, comme pour chacun d’entre vous, le point de vue que je vais exposer est marqué par mon vécu.

Trois expériences fortes ont influencé la vision que je porte de la paix. Tout d’abord, alors que je n’étais jamais encore sortie d’Europe, j’ai été, à 24 ans professeurs à l’université de Libreville. Les contacts avec mes étudiants m’ont permis alors de prendre conscience de ce que veut dire une autre culture. J’ai aussi vu de près les effets dévastateurs de la Françafrique et suis donc depuis très sensibles aux effets de la domination occidentale sur le monde. La 2° expérience m’a mis à nouveau en contact avec un autre univers culturel assez différent du nôtre. En 1987 – dans des circonstances trop longues à expliquer- nous avons accueilli, au sein de notre famille, un enfant de 10 ans, venu avec 72 autres enfants du Bengladesh et appartenant à une ethnie bouddhiste, persécutée dans ce pays. C’est à l’appui de cette expérience et fort du lien entretenu depuis 1987 avec beaucoup des 72 enfants accueillis en France que j’ai, au moment de ma retraite, rédigé et soutenu en 2017 une thèse de doctorat de géographie : La Fabrique d’une communauté transnationale les Jummas entre France et Bengladesh. Tout ce travail a été fait, – c’est la 3° expérience forte qui marque mon point de vue – au sein et avec le soutien d’un labo de recherche Mimed à la MMSH d’Aix. La participation aux séminaires de recherche d’un des labos les plus actifs en France sur la question des migrations internationales, m’a permis d’être bien au fait de l’état des recherches en sciences humaines sur la question des migrations.

Reconstruire les bases d’un monde en paix, mais quand on parle de la paix, de quoi parle-t-on ?

Je ne vais pas vous en donner une définition mais montrer comment ce mot est lié à son contexte et à la façon dont se déroulait les guerres. En Europe, jusqu’au XVII°, les guerres étaient l’affaire des princes et de la noblesse dont elle était la fonction. La paix résultait de tractation entre princes avec souvent à la clé des mariages arrangées. Les choses changent à partir du XVII°. En effet, à cette époque commence à se construire l’État-nation dont le modèle s’est propagé, avec la domination européenne, au monde entier. Les guerres finissent par engager la totalité d’une nation et des alliances de nations comme ce fut le cas en 14-18. Dans ce contexte : la paix, est imposé par les vainqueurs, les négociations aboutissent à des compromis souvent humiliants pour les vaincus et comme les rapports de puissance sont eux-mêmes en perpétuelle évolution, ils finissent par disqualifier la transaction passée ; et tout ce qui parait acceptable un jour, devient source de différents dans un contexte qui a changé. La paix est alors la période qui suit ces traités, c’est la « non guerre« .

Avec la 2° guerre mondiale, la guerre change encore de nature et oppose des visions du monde, des idéologies. Au sortir de cette période, l’idée s’impose que ce sont les plus puissants qui sont les protecteurs naturels et efficace de la paix. D’où la composition du conseil de sécurité de l’ONU chargé du maintien de la paix. L’affrontement idéologique, ensuite change de nature et oppose le bloc soviétique et le bloc occidental. Autre changement majeur, l’arme atomique rend trop dangereux l’affrontement direct entre grande puissance, la paix se définit comme le résultat de l’équilibre entre les grandes puissances, l’équilibre de la terreur. Les 2 grandes puissances ne sontpas touchées par la guerre mais s’affrontent au sein des pays du sud (Corée, Vietnam, Angola, Mozambique etc.) qui eux subissent les horreurs de la guerre.

Depuis la fin de la guerre froide, 4 changements importants : les affrontements idéologiques sont plus complexes, les pôles de puissances se sont diversifiés, la mondialisation rend les Etats de plus en plus interdépendants et des périls mondiaux (sanitaire, climatique) devrait obliger à une solidarité mondiale. C’est toujours la non guerre entre les plus puissants. Remarquons qu’en considérant la paix comme étant simplement la non-guerre, nous avouons inconsciemment que la guerre est une fatalité au cœur de la nature humaine.

Il y a cependant une autre façon de définir la paix dont je parlerai dans la 2° partie de cette conférence, C’est l’idéal de paix perpétuelle qu’appelait de ses vœux, en 1795, le philosophe E. Kant. Avant lui, dès 1713, l’abbé de St Pierre, dans son Projet pour rendre la paix perpétuelle, émet l’idée qu’il fallait pour construire la paix s’attaquer aux causes des guerres. Ce que nous allons faire ici dans une 1° partie.

QU’EST-CE QUI PROVOQUE AUJOURD’HUI LES GUERRES ?
4 causes principales

1.1 L’accaparement des ressources par et pour quelques-uns

Selon le dernier rapport de l’Oxfam, en 2023, les 1% les plus riches du Nord ont ponctionné 30 millions de dollars/h aux pays du Sud ; les 1% des Français⸱es les plus riches y ont ponctionné dans l’année près de 20 milliards d’euros.

Dans le même temps, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté n’a pratiquement pas diminué depuis 1990, selon les données de la Banque mondiale. Une femme sur dix vit dans une situation de pauvreté extrême (avec moins de 2,15 euros par jour).

Le système financier via le FMI et la Banque mondiale imposent des conditions drastiques de remboursement des dettes aux pays du Sud ce qui fait que les flux monétaires entre le Nord et le Sud sont en faveur du Nord.

Cet accaparement des ressources, connaît en ce moment une brutale accélération en raison d’une mutation très nette du système capitaliste. Nous sortons du capitalisme libéral qui s’accommodait des règles internationales et de l’état de droit des démocraties pour passer à un capitalisme de prédation. En effet, les élites ont compris que les ressources de la planète sont désormais limitées, d’autant que l’apparition de classes moyennes dans les pays émergeants accroit la demande en ressources de toute nature. Il s’agit donc de s’emparer par la force, en bafouant si besoin toutes règles, des ressources restantes. Donald Trump est l’illustration parfaite de ce tournant du capitalisme (cf les ressources de l’Ukraine ou du Groenland).

Ce capitalisme de prédation conduit non seulement à l’accaparement, des ressources minières ou énergétiques dans des conditions souvent déplorables pour les populations qui les subissent mais aussi à l’accaparement de terres, ou des ressources de l’océan au détriment des paysans et des pêcheurs des pays du sud. 

Au sommet de Davos, qui réunit patrons de multinationales, banquiers, responsables politiques influents du monde entier, on a vu le ralliement de ces « élites » mondiales, jusqu’alors adeptes du libéralisme, à ce capitalisme de prédation prôné par Donald Trump. Elles souscrivent à l’idée que trop de règles, trop d’Etat, trop de dépenses sociales, trop de contraintes écologiques constitue des obstacles à faire sauter.

Dans cette bataille sans règles pour se partager les dernières ressources, la loi du plus fort est donc celle qui prévaut. Cela porte en germes bien des affrontements. Pour paraphraser ce que disait Jaurés en 1895, « ce capitalisme de prédation porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage”.  

1.2 Les discriminations spatiales se renforcent au sein des villes, des régions, des Etats et du Monde.

Les économies du monde sont de plus en plus interdépendantes. Les périls qui nous menacent sont planétaires. On pourrait penser que cela conduit à une unification de la planète sauf qu’au contraire, on observe une fragmentation du monde. A toutes les échelles, on voit s’ériger des murs, des pratiques de cloisonnement de l’espace discriminants les plus pauvres, les cantonnant dans des formes variées de bidonvilles, de ghettos, voire de camps.

Se dessine donc un monde clivé où les formes de mixité sociale disparaissent peu à peu : le géographe peut ainsi distinguer à très grand trait :

  • Des mégalopoles dynamiques en réseaux, où se concentrent pouvoirs et richesses et qui sont délestées des activités industrielles les plus nocives.
  • Au Nord de vastes espaces de monocultures intensives + élevages carcéro-industriels, nourrissants à bas coûts les populations les plus modestes, dans des campagnes qui se dépeuplent et qui perdent leurs services publics. Au Sud, des paysans contraints à des cultures d’exportation, exposés à des produits phytosanitaires interdits au Nord. 
  • Des villes moyennes entourées soit d’espaces périurbains pour les classes moyennes soit  d’espaces d’insécurité abandonné aux trafics de drogues, prenant la forme au Sud de bidonvilles. Dans les pays les plus pauvres : on y trouve les activités industrielles les plus nocives, le traitement des déchets les plus toxiques.
  • Enfin des enclaves sécurisées très luxueuses pour les plus riches :  gated communities dont la forme la plus spectaculaire : les iles fortifiées du Pacifique.

Comme le remarque Abdenour Bidar philosophe, inspecteur générale de l’Education Nationale, « Dans tous ces territoires ou la mixité sociale et/ou culturelle n’existe plus comment voulez-vous concrètement fraterniser, comment voulez-vous vous sentir proche de ceux que vous ne voyez jamais, dans de telles conditions les idéaux de fraternité et d’égalité deviennent des fumisteries…».

1.3 Les risques pour la paix du rejet des migrants

Nous vivons un moment de l’histoire où nous sommes souvent en contact avec des hommes et des femmes d’une grande diversité culturelle. Malheureusement, cela est vécu, non comme une chance, mais comme un risque ce qui produit, en bien des lieux du monde, un enclavement des plus favorisés par la fermeture de vaste région à l’arrivée de migrants.

Les frontières sont des lieux où s’exerce la violence du rejet, des lieux de surveillance, de tri et de contrôle où se déploient des moyens de plus en plus sophistiqués pour le rejet des populations qualifiées d’indésirables (murs, avec tout un outillage de capteurs, détecteurs infrarouges, drones, sentinelles robotisées pour empêcher l’entrée puis tout un système d’enregistrement des empreintes, voire des visages grâce à des algorithmes de reconnaissance faciale  tout cela enregistré dans des banques de données). Tout cela fait vivre un système frontièro-industriels, très actif et bénéficiaire des politiques d’enfermement et tout un système mafieux de passeurs. Qui plus est, l’Union Européenne, par exemple, sous-traite le contrôle des migrants en finançant des pays de passages (Maghreb, Turquie et surtout Libye pour qu’ils retiennent les migrants et cela dans des conditions abominables). On ne sait pas combien sont morts dans ces pays. Mais on sait déjà que 30 000 migrants sont morts depuis 2014 en traversant la Méditerranée. Si vous faites le calcul : 200 par mois dans l’indifférence générale. Imaginez chaque mois dans l’UE un attentat avec 200 victimes !

Mais cette fermeture des frontières ne s’exerce pas de la même façon pour tous. Il est intéressant de voir qui aujourd’hui a le droit de circuler et qui n’a pas ce droit. Aucun souci pour expatrié français aux USA, et en France, c’est plus facile pour un ukrainien, que pour un syrien ou un afghan. L’accès inégal à la liberté de circulation révèle de profondes discriminations à caractères racistes qui montrent que nos sociétés ne sont pas libérées d’une vision inégalitaire des composantes de l’humanité. Et vous imaginez bien que cela provoque un fort ressentiment au sein des populations ainsi traitées.

Cette fermeture des pays les plus riches prive aussi les pays du Sud de ressources. En effet, le rapatriement des fonds gagnés par les populations migrantes s’élevait en 2023 à 700 milliards de dollars alors que la totalité des aides publiques au développement (APD) n’était que de 180 milliards de dollars ! La migration est une source essentielle de revenus pour bien des familles dans les pays les plus pauvres.

1.4. Les risques pour la paix du repli identitaire 

Trump, Poutine, Modi, Milei, Erdogan, la liste est longue de ces grands pays qui ont porté au pouvoir, par le biais d’élection, des dirigeants qui veulent s’exonérer de l’Etat de droit. Ils ont séduit leur électorat en prétendant défendre une identité nationale et/ou religieuse présentée comme menacée et sur le rejet d’un autre menaçant (migrants venus de l’extérieur, minorité interne). Ces dirigeants mettent en place des programmes ouvertement antidémocratiques à caractère parfois raciste. On a vu pour quelles raisons les « élites nationales » y voient désormais leurs intérêts. Mais la question est de savoir pourquoi une majorité de la population – dont une grande part au sein des milieux populaires – les ont élus. 

Dans beaucoup de ces Etats des travailleurs – agriculteurs, ouvriers, employés – qui voient leur revenu stagner et subissent un sentiment de déclassement, ont été convaincus, via des médias entre les mains des milliardaires ou des réseaux sociaux entre les mains des Gafas, par le message suivant : Vous producteurs de richesses, vous êtes victimes de parasites qui profitent de votre travail.

Selon eux, qui sont ces parasites ?  

  • les assistés sociaux  (d’où la volonté, qui arrange bien le capitalisme prédateur, de réduire le rôle social des Etats)
  • les migrants qui submergent le territoire. Ils menaceraient l’identité nationale et il faudraient en avoir peur. Ces bouc-émissaire arrangent bien le capitalisme prédateur, en détournant de l’idée que les vrais parasites sont ceux qui exploitent leur travail.
  • les écologistes, qui empêcheraient par de multiples freins réglementaires, le développement de votre activité économique. Ce qui arrange bien le capitalisme prédateur qui voit dans les actions de protection de la biodiversité un frein à leurs activités de prédation.

Face à la peur et au sentiment de se voir dépouillés, elles attendent un Etat moins social, plus sécuritaire que seul un homme fort balayant les contre-pouvoirs peut satisfaire. Homme fort, pouvoir raciste, rejet des règles démocratiques, appui populaire : l’histoire ne se répète pas. Mais rappelons qu’Hitler est arrivé au pouvoir au sein d’une démocratie avec un appui populaire et qu’il a ensuite créé un état totalitaire qui a conduit à la guerre. L’évolution politique des grandes puissances du monde n’est donc pas rassurante pour la paix. 

Parenthèse : je n’ai pas évoqué les guerres civiles qui ensanglantent l’Afrique et le Moyen Orient, mais on y trouve les mêmes facteurs de guerre : lutte pour l’accaparement des ressources, exacerbation des identités, révolte de groupes qui se sentent discriminés, le tout aggravé par les effets de domination N/S et par le réchauffement climatique.

ALORS COMMENT PRÉSERVER LES CHANCES DE LA VRAIE PAIX

En construisant un autre récit, une autre façon de lire le monde que ce qui nous est souvent proposé.

2.1 Construire une autre façon de définir la paix. 

Ne plus penser la paix comme une pause dans la guerre (une non-guerre) mais comme un état global et durable à construire et qui doit être une des priorités absolues du XXI° siècle. Ce n’est pas un rêve, une utopie mais une nécessité absolue. Pourquoi ?

Une guerre est toujours et plus que jamais une catastrophe, bien sûr par les horreurs qu’elle provoque mais aussi parce que nous savons désormais que les ressources de la planète sont finies. Cette conscience est totalement nouvelle dans l’histoire de l’humanité. Il est donc stupide de gaspiller ces ressources en se les envoyant sur la gueule, en fabricant toujours plus d’armes, pour reconstruire ensuite ce que l’on a détruit. Dans le contexte de dérèglement climatique et d’effondrement des bases du vivant, toute guerre est – outre une absurdité – une catastrophe globale tant nous sommes tous liés les uns aux autres par la mondialisation. La 1° guerre mondiale a eu des effets catastrophiques pour l’Europe. Une guerre mondiale pourrait être un suicide de l’humanité !  

La paix est alors non pas à maintenir mais à construire. Il s’agit de comprendre que l’art de la paix est un art « global » qui se définit comme une démarche visant à satisfaire les besoins tenus pour essentiels à la survie de l’humanité face à des menaces planétaires multiples, insécurité alimentaire, sanitaire, climatique.  Comme la médecine préventive, qui vise à prévenir la maladie en soignant l’équilibre du corps dans sa totalité, l’art de la paix vise à prévenir les guerres en engageant à différentes échelles, tous les humains à construire les bases de relations paisibles entre les pays ou les groupes sociaux. 

Prenons une des menaces planétaires qu’est le dérèglement climatique. Il est meurtrier en ce qu’il provoque désertification ou inondation, en ce qu’il aggrave les conditions alimentaires et sanitaires et en ce qu’il provoque, en bien des lieux, des conflits et des guerres alimentant des mouvements de réfugiés.

Pour affronter ce défi, comme les autres, et ainsi agir préventivement pour la paix, il faut développer, sur des bases égalitaires entre les nations, des programmes mondiaux de prévention de la catastrophe à venir.  Ce fut le rôle des COP sauf qu’elles n’ont pas été construites sur des bases égalitaires. En effet, elles n’ont pas tenu compte du fait que les pays en développement sont bien plus menacés par le réchauffement. Les COP ont toujours éludé la question cruciale du financement des équipements en la matière des pays les plus pauvres.  Sur ce point les habitants des pays du sud réclament avant tout une solidarité, ni caritative, ni démonstrative mais simplement efficace et pudique. Lors des COP, l’intérêt global est resté subordonné aux intérêts nationaux des Etats les plus riches et des multinationales. On est donc là loin du multilatéralisme égalitaire, seule solution face aux catastrophes climatique, sanitaire, alimentaire à venir. Avec le tournant vers un capitalisme prédateur, on s’en éloigne encore.  

Les Etats – en particulier ceux qui sont en plein repli identitaire – préfèrent se trouver un ennemi plutôt que d’affronter les risques planétaires qui nous concerne tous.  Nommer un ennemi est une réponse facile et l’Histoire montre combien l’ennemi mobilise, voire déculpabilise un corps social rassemblé devant une menace au visage bien connu. Leurs dirigeants oublient que l’intérêt national n’est servi que si les intérêts globaux sont préalablement satisfaits, qu’il n’est plus possible de se limiter au cadre des États face aux risques globaux sanitaires et environnementaux. Tout comme l’est l’individualisme, une vision étroitement nationaliste du monde est contre-productive. Pour une vraie paix, il nous faut en sortir. On ne combat pas les risques globaux en blindant ses frontières alors que les Etats sont fortement interdépendants.

2.2.  Sortir des délires de la recherche de puissance des États.  

L’histoire montre le lien très fort entre la recherche de puissance des États ou des Empires et la guerre, d’où l’absurdité du Conseil de sécurité de l’ONU, inchangé depuis 1945 où la puissance a été érigée en juge suprême, oubliant ainsi que la puissance dont il est le sanctuaire était le premier moteur de guerre. L’histoire montre aussi qu’une des principales causes des guerres et des conflits, se trouve presque toujours être l’humiliation vécue que ce soit par un groupe social ou par une nation face à une domination.

Pour construire la paix, la solidarité doit donc se substituer à la compétition de puissance.  L’humilité est souvent plus efficace que l’arrogance.  Tisser des liens requiert une relation sans rapport de force, des partenariats entre égaux et des efforts pour le comprendre. La connaissance des pays du Sud m’a rendu conscient que nous sommes souvent perçus, nous français, comme arrogants. Cette arrogance a pris souvent les formes d’un paternalisme nous amenant à nous considérer comme ceux qui aident nos partenaires à atteindre les valeurs de la civilisation, mais beaucoup ne sont pas dupes tant nous avons dans l’histoire trahit les valeurs que nous défendons, valeurs qui ont souvent servis à masquer la défense de nos intérêts.

Dans ce cadre on peut s’interroger sur l’usage des sanctions par des donneurs de leçon qui usent de leur puissance. Elles sont souvent contre-productives surtout quand elles sont exercées par un puissant en direction d’un plus faible. Sanctionner le faible augmente ses souffrances, accroit son humiliation, provoque son ressentiment et peut le conduire à rallier le camp opposé.

Construire la paix, c’est donc renoncer à l’exercice de la puissance et sortir d’une vision hiérarchique de l’humanité.

2.3. Lutter contre le racisme et connaitre l’Autre

L’humanité est une. Toutes les cultures ont une égale valeur. Postuler que les sociétés et les peuples seraient d’inégale capacité face à une raison universelle incarnée par les Lumières européennes et que les autres civilisations devraient être aidées dans leur développement jusqu’à rejoindre une modernité unique incarnée par l’universalisme occidental est une atteinte à l’idée d’une humanité une. Quelle leçon de droits de l’homme, de démocratie peut donner l’occident quand on sait comment ces beaux principes ont été enfreint depuis le début de la mondialisation au XVI° siècle jusqu’à aujourd’hui ? Construire la paix c’est passer d’une posture d’arrogance à une posture d’échange dont on a tout à gagner. Chaque civilisation est le fruit d’une multitude d’échanges comme le montre le géohistorien C. Grataloup. Toutes évoluent constamment grâce à eux. Grataloup souligne aussi que l’enfermement sur une identité contribue à la stérilisation d’une civilisation.

Aujourd’hui, la mondialisation favorise ces échanges sauf si l’on s’enferme dans un repli identitaire. Elle peut favoriser des formes nouvelles d’empathie, non pas en vue de créer de l’identique, mais dans la perspective de partager avec l’Autre, les valeurs qui sont les siennes.

Si nous sommes en conflits, parler à l’Autre, le comprendre ne veut pas dire l’approuver ni encore l’excuser. D’aucuns cherchent à assimiler la compréhension à l’excuse. C’est une double erreur qui, d’une part ferme la porte à une explication rigoureuse des faits sociaux et d’autre part prive la paix de deux ressources :  préventivement en faisant l’effort de comprendre l’Autre, on optimise les chances d’arrêter les dynamiques du conflit avant qu’elles ne dégénèrent en violence, stratégiquement ensuite, la compréhension de l’autre permet d’anticiper ses réactions pour les contenir et, de définir le chemin le plus court vers non seulement une trêve, mais aussi une paix durable.

Construire la paix, c’est aussi accueillir l’Autre : cela ne veut pas dire ouvrir grand ses portes mais considérer l’hospitalité comme évidente dans un jeu politique responsable. En ce sens, le pacte mondial sur les migrations, signé en 2018, à l’ONU par 152 États, est un pas important.  « Il reconnait l’apport positif de la migration à la paix, appelant à lutter contre les discriminations, demandant aux États de respecter les spécificités culturelles des migrants notamment en termes de soins et de santé, il entend promouvoir des « migrations sûres, ordonnées et régulières » ».

Cela suppose donc de lutter sans concessions contre les représentations fausses des migrations. Ainsi le fait, pour la France l’avis de l’Institut Convergences Migrations, qui réunit + de 700 chercheur·euses. Ils soulignent que la France n’est pas « submergée » par une immigration « hors contrôle ». La France connaît une progression de la demande de refuge et de séjour comme bien des régions du monde, et ce à un rythme plus modéré que la plupart des pays voisins, loin des niveaux observés dans les pays du Sud. Ils soulignent que nous sommes très loin d’avoir pris notre part dans l’accueil des demandeurs d’asile venues du Proche et du Moyen Orient, que la répartition des migrants et des réfugiés à travers l’Europe n’a aucun lien avec la générosité de la protection sociale, que « l’appel d’air » est un mythe jamais démontré. En témoignent ces migrants fuient la France au péril de leur vie en traversant la Manche pour aller en Grande-Bretagne.

Construire la paix c’est défendre l’idée qu’une migration convenablement conduite susciterait des relations de proximité et d’échanges capables de générer de la compréhension et de la confiance comme le montre l’action ici à Ménerbes de « droit à l’école ». Mais cela suppose de promouvoir une intégration des arrivants qui ne touche pas seulement l’école mais aussi la ville, le quartier, les loisirs, les soins prodigués, excluant toute ségrégation, toute stigmatisation sans quoi on continue à alimenter au sein des populations mal reçues les ressentiments, voire la violence et dans un cercle vicieux le rejet. On pourrait utiliser les sommes énormes qui financent Frontex, des centres de rétention en UE, en Libye, en Turquie etc. pour une vraie politique d’intégration passant par l’apprentissage très rapide de la langue et un accès facilité au travail.  

2.4 La paix est l’affaire de toute la société

La paix à construire est un objectif à ce point crucial qu’elle ne peut plus être l’œuvre des seuls responsables politiques, diplomatiques, militaires et doit être portée par les sociétés. On voit déjà que les conflits comme leurs règlements laissent de plus en plus de place aux acteurs locaux, acteurs économiques, communautaires, religieux, ou « groupes terroristes », la pleine reconnaissance de ceux-ci dans la construction de la paix est devenue indispensable.  

Si les sociétés sont appelées à prendre de plus en plus de place dans la paix à construire, il nous faut éduquer à la paix. Comme le soulignait déjà Jean Piaget en 1934, directeur du projet éducation à la Société Des Nations. « Tout enseignement objectif des relations internationales prépare les individus à se libérer de l’illusion égocentrique, dans laquelle ils demeurent enfermés tant qu’ils ne connaissent que leur propre milieu, et à acquérir cette attitude de réciprocité qui est le principe de la collaboration pacifique ».

L’enseignement de l’histoire laisse une grande place à la guerre. Mais il faudrait davantage enseigner l’histoire de la paix, les débats qui l’ont jalonnée, les hommes et des femmes qui l’ont incarnée, des institutions qui l’ont servie. Vous connaissez tous les héros de l’art militaire, de Jeanne d’Arc au maréchal Foch mais qui, ici, connait Léon Bourgeois, premier président de la Société Des Nations ou l’Abbé de Saint Pierre à qui l’on doit l’idée même de « paix perpétuelle » ?

Les jeunes sont aujourd’hui de plus nombreux à se ressentir comme citoyens du monde, il faut amplifier cette évolution, qu’ils sachent que chacun de leurs actes a un sens et des conséquences – même infimes – pour le monde tout entier, et qu’ils sont les responsables du bien commun de l’humanité tant sur le plan environnemental, sanitaire, alimentaire. Dans cette éducation à la paix, l’individualisme doit laisser place à une disposition à assurer l’égalité de participation de tous les individus dans la société, l’esprit de compétition à l’aptitude à la coopération, l’entre-soi à la prise de conscience de la richesse de la diversité, le « faire ensemble » plus que le faire « contre l’autre ou face à l’autre ». Enfin l’éducation devrait faire place à une vraie réflexion sur les méfaits de la violence et une éducation aux méthodes de la lutte non-violente.

Pour conclure construire la paix n’est possible que si l’on a de fortes convictions.

Conviction que :

  • Toute vie humaine dans sa singularité est précieuse, que l’usage de la violence en est gravement destructrice.
  • Nous sommes davantage que des producteurs-consommateur. Il y a en chaque humain une dimension créative, culturelle, spirituelle qui nous permet d’imaginer un futur de paix.
  • Il n’y a aucune hiérarchie à établir entre les humains qui peuvent tous apporter, par leur altérité, leur contribution propre à la construction de la paix.
  • Nous sommes capables, en entrant dans de vraies relations avec l’Autre, de dépasser les peurs qui nous enferment et nous rendent inhospitalier.
  • La collaboration d’égal à égal est plus performante que la compétition de puissances qui mène à la guerre.
  • Pour nos enfants et nos petits- enfants, nous devons sauvegarder les bases du vivant que la guerre met en péril.
  • Le respect de l’Etat de droit est le meilleur rempart contre la montée des pouvoirs totalitaires qui menacent la paix.

Préserver les bases du Vivant

Samedi 5 octobre, dans le cadre de Vivant, Paul a proposé une conférence passionnante mêlant constats scientifiques et questionnements philosophiques. Puisque, finalement, c’est bien de cela qu’il s’agit : quel est le sens que nous voulons donner à nos vies ? La salle de la bibliothèque était comble, et l’assemblée hapée par le propos. En voici quelques éléments pour garder en mémoire la teneur de la présentation, et y revenir autant que nécessaire puiser de l’espoir et l’énergie de continuer.
Tout d’abord, un constat accablant :

75 % des milieux terrestres sont altérés de façon significative et plus de 85 % des zones humides ont été détruites. 66% des milieux marins sont déteriorés.

Cette déterioration des milieux est la principale cause de la 6° vague d’extinction des espèces plus brutale et rapide que les 5 précédentes : la taille moyenne de la population de vertébrés sauvages a décliné de 68% entre 1970 et 2016. 40 % des insectes sont en déclin au niveau mondial. 46 % de la couverture forestière a disparu depuis la préhistoire.

Le dérèglement climatique : l’arbre qui cache la forêt. Pourquoi ?

Si les « puissants du monde » en sont venus pour une part à reconnaitre le Réchauffement climatique, c’est qu’ils y voient la possibilité de faire, d’une autre façon, de belles affaires (relance du nucléaire, voiture électrique avions à hydrogène, usage massif de l’informatique, etc.) et si la catastrophe de l’effondrement des bases du vivant déjà là est en quelque sorte MASQUÉ c’est que l’enrayer implique une remise en cause beaucoup plus radicale : celle de l’idéologie de la Croissance.

Mais, qui est responsable de la poursuite de ce saccage ?
  • On pourrait dire : nos modes de vie, la mondialisation, le capitalisme etc. mais ces formulations sont trop abstraites et ne ciblent pas clairement les vrais responsables. Une autre analyse est proposée : cette catastrophe en cours est l’œuvre d’un ensemble d’hommes et de femmes en réseaux et en lieu (de conflit ou de collaboration) – on pourrait parler d’un écosystème – qui partage cette même idéologie de la croissance, une croyance : la nécessité de faire croitre encore les productions, et propage cette croyance partout au point qu’elle apparait comme naturel, inévitable, fatal ! En ce sens cette croyance s’apparente à une croyance religieuse. Il s’agit de faire en sorte qu’elle soit celle de tous et elle l’est largement devenu.
  • Si ce sont des hommes et des femmes qui sont responsables, cela veut dire que ce qu’ils ont construit ne relève pas d’un mécanisme fatal implacable mais de leur responsabilité et que nous pouvons construire autre chose et c’est motivant.
  • Précisons qui : ce sont en vrac les responsables politiques à toutes les échelles, d’entreprises à toutes les échelles, des responsables organisations internationales comme l’OMC, la banque mondiale, le FMI, des propriètaires de grands médias, etc.
Mais cette croyance n’est pas une évidence et plus encore elle est à la fois INSENSÉE ET DANGEREUSE pour les bases du vivant (comme pour la société)

La croissance dont il est question ici est celle du PIB, seul indicateur retenu aujourd’hui. Pour calculer le PIB, tout ce qui a une valeur marchande est comptabilisé, indépendamment de toute utilité sociale. Un accident de la route produit du PIB, une maladie, la publicité, une guerre…

Au sujet de la croissance, quelques citations clés :

« Nous sommes à bord d’un bus fonçant à pleine vitesse et de plus en plus vite vers une falaise et nous acclamons chaque km/h en plus comme du progrès« 

Timothée Parrique

´« Si vous étiez le PIB, le citoyen idéal serait un joueur compulsif atteint d’un cancer et engagé dans une difficile procédure de divorce, affrontant ses soucis en gobant du prozac par poignées et disjonctant le 1er jour des soldes»

Rutger Bregman

«Le PIB est borgne quant au bien-être économique, aveugle quant au bien être humain, sourd à la souffrance sociale et muet sur l’état de la planète»

E. Laurent

« Passé un certain seuil la croissance cesse d’être une valeur ajoutée devient une valeur arrachée, sorte de razzia du domaine social et écologique, nous détruisons le vivant et le vivre ensemble pour des pubs, des SUV, des repas livrés par des travailleurs précaires et nous osons appeler cela s’enrichir. A quoi bon créer des emplois qui n’épanouissent personne pour produire de manière écologiquement insoutenable afin d’augmenter le pouvoir d’achat (sans pour autant augmenter le pouvoir de vivre) et tout ça pour consommer des produits dont on pourrait se passer »

Timothée Parrique

« Nous faisons l’expérience d’une économie qui, pour produire des biens de consommation souvent en excès, épuise les biocapacités de la planète, surexploite ses ressources, entrave sa capacité à se régénérer et transfère les revenus futurs dans le présent ».

Felwine Sarr

« la production d’objet inutiles, devenu une fin et non plus un moyen, doit être nommée pour ce qu’elle est : une maladie. S’il faut nommer la croissance, alors voyons là comme une croissance tumorale »

Aurélien Barrau
Quelles sont les conséquences de cette recherche effrennée sur le Vivant ?

Extraction de plus en plus de combustibles fossiles et de métaux rares, élevage carcéro-industriel, déforestation massive, agriculture industrielle qui détruit les sols, abuse des pesticides et consomme l’eau en excès, fonds marins saccagés par le chalutage des pêches industrielles,…

La science, la technologie vont-ils nous sauver ?

Les sciences font des choses extraordinaires qui méritent notre admiration. … Chacun d’entre nous mais aussi les stés du monde entier doivent beaucoup à la science et aux technologies. Elles ont permis amélioration de nos conditions d’existences. Mais est-ce que grâce à la science et aux technologies nous allons pouvoir faire croitre indéfiniment la production en dépit des limites qui sont celles de la planète ?

La croissance permanente ne peut se réaliser que dans une fuite en avant vers des technologies toujours plus impactantes.

«Aujourd’hui bien des progrès techniques ne peuvent être réalisés qu’au prix de formidables dévastations au point que l’on hésite plus à dire que l’humanité est en guerre contre la nature, les milieux et les territoires ».

Achille Mbembe

Dans certains cas, certaines technologies qui résultent des avancées scientifiques sont aussi capables, on le sait depuis la bombe d’Hiroshima, Tchernobyl, le recours aux manipulations génétiques, d’engendrer des processus aveugles qui peuvent provoquer des désastres, et cela même si les intentions des inventeurs sont les meilleures.

Cela veut-il dire qu’il faut refuser de continuer à chercher et à inventer ? Non : ce n’est pas en soi que la science et la technologie sont un danger. Elles le deviennent quand elles sont coupées de la question de leur finalité.

«La technique constitue un danger pour l’homme si, au lieu d’être l’instrument elle se substitue au but, c’est-à-dire, détourne à son profit le sens de la vie, en masque la portée essentielle et les fins dernières au point d’effacer la conscience de l’homme ».

Achille Mbembe

Il est donc essentiel de se poser la question, DANS QUEL BUT, ce nouvel outil technique, pour quoi faire cette nouvelle invention. Donc dans quel but mais aussi AU SERVICE DE QUI ?

Dans un système économique où l’on invente pour s’enrichir, les problèmes auxquels réponds l’innovation sont principalement ceux des privilégiés donc assez rarement le soin du vivant, ni l’intérêt général ni l’intérêt des plus des plus vulnérables. Ceux qui formulent des critiques face à certaines avancées des sciences et des technologies sont accusés d’entraver la marche vers le progrès, de vouloir revenir à la bougie… Mais de quel progrès parle-t-on ?

On distingue deux types de progrès : le « PROGRÈS ANTHROPOLOGIQUE qui permet de mieux satisfaire des besoins avec moins de ressources (qui s’apparente à un progrès éco au sens originel du terme) et le PROGRÈS TECHNIQUE DES ÉCONOMISTES LIBÉRAUX qui ne prend en compte que les valeurs monétaires issu de la transformation d’une richesse sociale/écologique en richesse financière ».

Timothée Parrique

Le mythe du progrès (au sens où l’entende les économistes libéraux) qu’il ne faut pas entraver est un dogme de la religion de la croissance qui permet d’excommunier avec mépris ce qui ne sont pas dupes. 

Le psychanalyste marseillais Roland Gori fait clairement le lien entre ce mythe et la domination des puissants qui font passer leur vision du progrès comme naturel et indiscutable :

« La civilisation technique fait préférer l’inanité de l’automate et l’abstraction des algorithmes à la fragilité du vivant ».

« Comment célébrer les sciences, leur puissance d’exactitude sans qu’elle nous mène à la soumission sociale et à la servitude volontaire. Comment conserver les merveilleuses et magiques trouvailles techniques sans nous laisser hypnotiser par les maîtres qui les fabriquent et qui les vendent».

Roland Gori

« Cette idée du progrès associé à l’industrialisation forcenée de la nature et à la rationalisation des moyens de production repose sur une représentation pauvre et erronée de l’être humain appréhendé comme un individu essentiellement préoccupé par le bien-être matériel, la recherche de distraction et le désir éperdu de reconnaissance. Elle présuppose que le consumérisme, la rivalité et le rêve de gloire sont les causes alors que ce sont des effets ».

Corinne Pelluchon

Les puissants prêtres de ce culte de la croissance sont pour partie sincèrement convaincus d’agir pour le bien de tous tant ils sont aveuglés par la religion à laquelle ils croient ! Un peu comme ceux qui ont un temps mis en place l’inquisition pensaient faire le bien de tous en protégeant les populations du danger des idées hérétiques, ils imaginent que les technologies toujours plus poussées permettront une croissance sans limite qui fera le bien de l’humanité, alors qu’ils nous enfoncent toujours plus dans une destruction des bases de la vie. La mise en avant du dérèglement climatique, la croissance verte, le développement durable sont autant de stratagème que l’on peut qualifier de greenwashing (ou camouflage vert) visant à nous faire croire que nos responsables politiques ou économiques agissent et que l’on peut sans dégât pour la planète continuer la croissance. «Si nous voulons éviter l’écueil délétère de la décroissance, nous devons faire le choix résolu de la croissance verte. » (Agnès Pannier-Runacher)

Alors, comment préserver / restaurer ce qui peut l’être ?

  • Empêcher pied à pied dans nos territoires, nos entreprises, au sein de nos activités professionnelles, tout projet écocidaire
  • Mener contre ces projets des luttes juridiques et politiques
  • Déconstruire l’idéologie  qui rend possible la marche en avant vers la destruction des bases du vivant
  • Se donner collectivement une éthique personnelle  et des modes de vie adaptées à la situation

Toutes sont nécessaires et complémentaires.

Des précisions sur les deux derniers points :

  • Déconstruire l’idéologie  qui rend possible la marche en avant vers la destruction des bases du vivant
  • Pour démonter l’idéologie qui imprègne cette marche en avant écocidaire, il s’agit déjà de faire comprendre que la DÉCROISSANCE DANS LES PAYS DU NORD est la solution la plus humainement souhaitable de sorte que :

    «La taille de l’économie ne doit pas dépasser les capacités de régénérations des ressources naturelles et de recyclages des écosystèmes dans lesquels elle rejette ses déchets ».

    « Réduire la production et la consommation pour alléger l’empreinte écologique de manière démocratiquement planifiée, dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être ».

    « Ce sont les consommateurs dont l’empreinte est la plus lourde qui devront en priorité déconsommer et renoncer à une partie de leur revenu. Ce sont les entreprises les plus polluantes qui devront en priorité ralentir leur production et renoncer à une partie de leurs profits. Ce sont les pays les plus destructeurs qui devront faire le plus d’efforts pour réduire leur PIB ».

    Timothée Parrique

    On pourrait aussi comme le fait Eloi Laurent (qui préfère parler d’une éco post croissance) que celle-ci doit suivre un triple objectif :

    • Bien être ICI et MAINTENANT
    • le bien être PLUS TARD (celui de nos enfants ce qui signifie leur léguer une planète habitable où les bases du vivant ne sont pas trop dégradées et ses ressources  pas totalement épuisées )
    • le bien être AILLEURS (ce qui implique notre responsabilité vis-à-vis des pays moins riches).

    Pour ces économistes décroissants ou post croissant, plus un pays COMMENCE TÔT à décroitre, plus légère sera sa décroissance et plus il s’y prend tard plus la décroissance sera abrupte et injuste et peu démocratique car la fin de la croissance est inévitable.

    Pour s’opposer à ce courant de pensée, les partisans de la croissance veulent propager l’idée d’une ÉCOLOGIE PUNITIVE pour tous, alors qu’une économie post-croissance serait surtout punitive pour ceux qui abusent.  Retarder les choix décroissants par peur de déprimer une minorité super riche parait indécent dans un monde où les bases du vivant s’effondrent et où la pauvreté subsiste. Cela fait penser à ceux qui se sont opposés à l’abolition de l’esclavage car cela représentait un sacrifice pour les propriétaires d’esclaves.

    Ce tournant inévitable implique donc une réorientation profonde de l’économie : abandon au plus vite de l’agriculture industrielle monoculturale, et de l’élevage carcéro-indutrielle et on connait les solutions qui permettent à la fois de nourrir les populations et de préserver les sols, l’eau et l’air (ex :  L’AGROFORESTERIE). Ces formes d’agriculture combinent des connaissances et de savoir-faire accumulés par des générations de paysans et de paysannes mais aussi la mise en œuvres de connaissances de plus en plus précises concernant les sols, la vie biologique en leur sein, la variété des espèces existantes et la complexité des écosystèmes. Rien là de rétrograde donc tout au contraire.

    Pourquoi, de l’ail de Chine au Min de Cavaillon ? des roses du Kénya et du Pérou chez nos fleuristes, des vélos avec des pièces venues de nombreux pays et nos excédents alimentaires à bas coûts ? cela est dû au COÛT ARTIFICIELLEMENT BAS de ce qui est transporté sur de longues distances. Ainsi beaucoup de compagnies maritimes échappe à l’impôt grâce aux pavillons de complaisance, échappent aussi au droit du travail et sous payent leur personnel navigant ne repecte pas les normes environnementales et ne paient pas les externalités négatives de leur activités (pollutions des océans, contribution au réchauffement climatique). Il en est de même pour le transport aérien qui ne paye pas ses externalités négatives + kérozene non taxé etc. La décroissance implique une réduction drastique des transports sur de longues distances et de fait l’abandon de projet inutiles et imposés (aéroports, autoroutes, plateforme logistique).

    La décroissance implique de  PRODUIRE MOINS (et donc à travailler moins) MAIS MIEUX : du durable et du réparable  en répondant à de vrais besoins, et non à des besoins artificiellement créer par le harcèlement publicitaire 1000 à 2000 messages/jour, 500 à 1M de panneaux pub en France. Décroitre impliquerait une limitation drastique de la publicité et la mise à bas de l’énorme marché que constitue le recueil des données personnelles de chacun.

    • Se donner collectivement une éthique personnelle  et des modes de vie adaptées à la situation

    Une autre bataille culturelle à mener consiste à DÉCONSTRUIRE LE PARADIGME OPPOSANT L’HOMME À LA NATURE. En effet, depuis le XVII siècle, nous pensons en Europe la nature comme séparée de nous, objet de connaissance, à disposition de nos besoins. C’est une vision qui est donc historiquement très récente et qui n’est pas partagée par toutes les civilisations. « Voir dans la nature un environnement dont l’homme serait maitre et possesseur est une fiction véhiculée par un concept de propriété issu du droit romain » nous dit F. Sarr. Le récit de la création dans la Genèse y est sans doute pour quelque chose. Mais les philosophes des Lumières de Descartes à Diderot au XVII° ont aussi formalisé cette représentation d’une nature objet à notre usage.

    Tout un courant philosophique s’est développé autour de Descola, B. Morizot, Peluchon, V. Despret, N. Martin etc. pour remettre en cause cette vision anthropocentrée du monde. Tous nous invitent à prendre conscience que nous sommes totalement reliés à tout ce qui est vivant. Nous faisons partie du vivant.

    Chez les Achuars « Les plantes, les animaux, les esprits n’étaient pas des composantes de cette abstraction philosophique que l’on appelait chez moi la nature, c’étaient des partenaires sociaux qu’il fallait séduire ou contraindre »  

    Ph. Descola

    Les êtres vivants ne sont pas une matière ou une ressource « la nature n’est pas une machine que nous pouvons casser et réparer »

    F. Sarr

    Cela nous invite donc à nous libérer de la raison économique qui a besoin de TRANSFORMER TOUT CE QU’ELLE TOUCHE EN OBJET y compris les humains (cf « ressources humaines »). Les êtres vivants ne sont pas une matière ou une ressource comme on le voit dans l’élevage carcéro-industriels mais des partenaires.

    Il nous faut faire « l’expérience poétique de la saisie du monde comme totalité vivante, avoir l’intuition que tous les éléments qui nous entourent nous traversent et nous composent ».

    Denetem Touam Bona

    Notre planète est recouverte d’une très fine pellicule de vie mais qui est un tissu extrêmement complexe de mutliples éléments en réseau qui sont totalement interdépendants et dont nous faisons partie. Et comme on le découvre de plus en plus, il y a a au sein du vivant beaucoup plus de coopération que de compétition.  Nous sommes un élément de cette toile d’araignée. 

    Nous sommes tous citoyens de cette collectivité du vivant. C’est l’idée d’une convivialité multi-espèces, un mode d’interaction où nous pouvons même considérer des éléments de la nature comme un sujet de droit, voire les non humains comme des partenaires de vie.

    « Il ne s’agit pas de tenter de prêter aux plantes et aux animaux une intériorité similaire à celle des humains, mais de reconnaître à la fois leur familiarité et leur altérité, […] de rechercher en permanence à leur endroit les égards les mieux ajustés ».

    Baptiste Morizot

    Les égards les mieux ajustés nous conduisent dans nos comportements individuels et collectifs à tenir compte de la sensiblilité et des intérêts des animaux et à développer une nouvelle forme d’humanisme moins anthropocentré.

    «C’est en partant d’une compréhension de l’être humain qui insiste sur la matérialité de son existence et sur sa dépendance à l’égard de la nature et des autres êtres vivants que l’on peut prendre en compte dans toutes nos décisions et dans nos politiques publiques, les intérêts des animaux et promouvoir un modèle de développement écologiquement soutenable et plus juste, au lieu de se centrer sur des préjugés anthropocentristes. Cet humanisme est un humanisme de l’altérité et de la diversité »

    Corinne Pelluchon

    Et donc moi, individu au cœur du vivant qu’est-ce qu’il m’est possible de faire en réseau avec d’autres… COMMENT AJUSTER MA MANIÈRE ET NOS MANIÈRES DE  VIVRE À LA NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER LES BASES DU VIVANT ?

    •  Demandons-nous qu’est-ce qui est important pour nous dans la vie qu’est-ce qui nous tient à cœur ? ce sont la santé, vivre en sécurité, un travail utile et épanouissant, un toit, les relations sociales, le contact avec la nature, l’art. Et pas la possession d’objet… Ce qui veut dire que ce qui compte pour chacun, c’est l’être plus que l’avoir, la qualité plus que la quantité.
    • Aussi, la meilleure défense contre la gloutonnerie à laquelle nous sommes poussés par la société de consommation, c’est d’être gourmand, de savourer ce que l’on a sans vouloir plus. Prendre le temps de déguster, de s’émerveiller : de la qualité d’une relation (qui ne se mesure pas au nombre de like), des beautés et de l’extraordinaire inventivité de la nature, prendre vraiment le temps d’écouter une musique…. Bref ralentir pour mieux profiter de ce que nous donne la vie.
    • Cet émerveillement c’est aussi de savoir que nous sommes des héritiers, que chaque objet, chaque élément de la nature, un paysage est l’aboutissement d’une longue chaîne de transmission de savoirs et de savoirs faire et de travail de beaucoup d’hommes. Imaginons le savoir contenu dans une feuille de papier. Le travail contenu dans un morceau de pain.
    • On sait aussi que ceux qui ont traversé l’épreuve d’une grave maladie ont souvent un désir de vivre plus intense qui les centrent davantage sur l’essentiel

    « La reconnaissance de notre vulnérabilité est l’occasion de procéder à un inventaire distinguant ce qui doit être sauvé et ce qui doit disparaître ou dont on peut se passer pour mieux mener une vie bonne ».

    Corinne Pelluchon
    • La catastrophe dans laquelle nous sommes déjà doit donc nous inciter à mieux cerner ce qui nous est vraiment essentiel, ce qui a vraiment de la valeur …… Si chacun le fait dans les pays riches et au sein des classes moyennes, cela constitue un geste politique fort qui tarit la source consommatrice de l’économie basée sur la croissance illimitée des biens.

    « Le travail sur la frugalité est important sans quoi on se perd dans la quête d’une multiplicité d’expériences qui demeurent inaccomplies, qui ne sont pas fondamentales dans nos existences et qui génèrent toujours plus d’anxiété ».

    G. Firaud et F. Sarr
    • Cela implique de redonner du sens aux limites. A l’opposé de ceux pour qui les limites sont vécues par définition comme dépassables et qui rêvent d’un homme immortel, d’une transhumanité. Il convient de considérer les limites comme relevant justement ce qui nous constitue en tant qu’humain et que cela nous grandit de les regarder en face. Le philosophe Olivier Rey raconte cette belle histoire. Une colombe amoureuse de la vitesse veut aller de plus en plus vite. Elle se plaint de la densité de l’air qui la ralentit et donc la limite. Elle obtient du créateur qu’il supprime l’air qui la ralentit et… elle s’écrase au sol.

    Alors peut-on comme le font nos dirigeants en appeler à la sobriété ?  C’est faire croire que la solution passe par des comportements individuels alors que la solution est collective et politique, c’est nier les injustices sociales.

    Pour conclure, quel gâteau préférez-vous ?

    Celui de gauche plein de sucre de colorants, d’additifs, de gélatine animal ? On nous appelle à le faire toujours plus gros avec plus de travail. Et on épuise pour cela le stock de farine et de produits de bases de sorte qu’il n’y en aura plus pour nos enfants ! Ceux qui nous pousse à le faire plus gros sont ceux qui accaparent les plus grosses parts en laissant que des miettes au plus démunies, en nous disant que plus le gâteau est gros, plus cela ruissellera ! vers ceux qui héritent de miettes ! Mais est-ce que les très grosses parts vous font envie ? Manger jusqu’à la nausée ? (pour le dire autrement, la vie d’Elon Musk ou de B Arnault fait-elle réellement envie ?).

    Celui de droite est plus petit, fait en économisant les ressources disponibles avec moins de travail, et sans aucun produit superflu, fait avec amour. Il est partagé de manière équitable, même si les parts sont plus petites.

    Donc quel gâteau préférez-vous ?

    Et bien c’est cela que nous devons construire : c’est non seulement un objectif réjouissant qui rendra nos vies plus belles, plus gourmandes mais c’est encore possible si nous y mettons toutes nos forces, nos convictions. Et surtout, c’est absolument nécessaire si nous voulons sauvegarder ce qui reste des bases du vivant. Cela nous conduit à chercher collectivement des modes de vie sobres plus respectueux des bases du vivant.  C’est ce que font bien des hommes et de femmes dans des écolieux qui fleurissent un peu partout chez nous et dans le monde.  Mais cela va de pair avec des luttes politiques, juridiques et culturelles contre ceux qui nous mènent toujours plus vite au bord du précipice en contribuant à dégrader toujours plus les bases du vivant. C’est ce que font à leur mesure beaucoup de personnes que nous connaissons tous.

    Ciné-débat du 7 avril : une plongée instructive dans le monde océanique

    Nous avons proposé notre deuxième ciné-débat de l’année, le dimanche 7 avril au cinéma la Cigale à Cavaillon, autour du film L’Océan vu du cœur. Une soixantaine de présents ont pu découvrir, à travers ce film, l’extraordinaire foisonnement de la vie en son sein et aussi les mille manières dont ces formes de vie sont inter-reliées au sein de systèmes complexes que les scientifiques commencent à peine à découvrir.

    Mais les océans, qui jouent un rôle majeur pour la régulation du climat et comme puits de carbone, sont gravement menacés par le réchauffement climatique, par la pêche industrielle et par toutes les formes de pollution. Aussi le film montrait aussi des scientifiques, des militants, des peuples autochtones qui agissent pour préserver ce monde marin essentiel pour notre avenir. Ainsi, parmi d’autres, Claire Nouvian fondatrice de l’association BLOOM qui s’oppose aux méfaits de la pêche industrielle au niveau de l’Union européenne, ou Chloé Dubois qui a créé la fondation OCEAN LEGACY qui ramasse et recycle les déchets plastiques dans les océans nord-américains. Plusieurs des intervenants ont souligné qu’une des solutions possibles pour mieux défendre les océans était de leur accorder une personnalité juridique.   

    Lors du débat qui a suivi, nos invités nous ont aidés à prendre conscience que nous pouvions agir à notre mesure face aux défis qui menacent les océans. Victor David chargé de recherche à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale (IMBE), a souligné que notre mer Méditerranée (mer quasi fermée) était la plus polluée du monde en raison de l’urbanisation de ses rives et des apports de pollution qui en résultent. Il est aux manettes d’un projet visant à faire de la Méditerranée un sujet de droit ce qui la protègerait mieux que les législations diverses et pas très contraignantes des pays riverains. Françoise Follet Sinoir (de SOS Durance Vivante) a évoqué les pollutions de la Durance déjà fortes dès le barrage de Serre-Ponçon qui aboutissent via le Rhône à l’Océan. Ella a aussi évoqué le colloque du 25 novembre à Cavaillon où ont été proclamés les droits de la Durance et la pétition de soutien à cet appel qui, en deux jours, a déjà recueilli près de 5000 signatures venues du monde entier. Enfin, Stéphane Sylvestre a présenté les actions du club de plongée cavaillonais « Les Octopus du Luberon » qui récupère au fond de la Sorgue quantité de déchets et qui convie aussi ses élèves de la classe environnement du collège Rosa Parks à des ramassages de déchets. Si on ajoute à cela les actions de ramassage de mégots du cercle déchets d’AVEC, on peut voir qu’à toutes les échelles des actions sont possibles ici pour protéger les océans. Les gouttes d’eau non polluée font les grandes rivières et les rivières propres font les océans régénérés.

    Comme il est d’usage, les échanges se sont prolongés autour d’un apéritif convivial, moment aussi d’annoncer les évènements à venir : la fête du printemps des 12, 13 et 14 avril et le prochain ciné-débat autour du film les Roues de l’avenir du 26 mai. 

    Conférence – Faut-il avoir peur des digues ?

    Ouvrages de sûreté ? Ouvrages de danger ?

    Une conférence très instructive sur les digues

    Notre association a invité Gilles Brière, le vendredi 1er mars salle Bouscarle, à nous exposer ses connaissances sur ce qu’est une digue. Gilles Brière a été longtemps animateur du Groupe Rivière Vaucluse au Conseil départemental de Vaucluse, ce qui fait qu’il connait très bien ce sujet. La question était de savoir s’il fallait avoir peur des digues, si elles présentaient des dangers ou, au contraire, étaient un gage de protection contre les inondations. À l’heure où la question de l’endiguement du Coulon pour protéger Cavaillon des inondations est l’objet de beaucoup de débats, recueillir son avis sur cette question nous paraissait important pour se construire un avis informé. 

    Une quarantaine de personnes, pour la plupart très motivées par le sujet, étaient présentes pour écouter cette conférence. Gilles Brière avait bien fait les choses, simplifiant un exposé déjà fait à l’université sur ce sujet et l’illustrant de nombreux exemples pour rendre son propos accessible.

    Nous avons d’abord compris à travers son exposé qu’une digue faite dans les règles de l’art était un ouvrage fort complexe. Elle permettait de réduire la fréquence des inondations et, quand elles étaient submergées, le volume des inondations. Elles diminuent donc la vulnérabilité (exposition des biens et des personnes) dans les zones qu’elles protègent. En aucun cas, elles n’éliminent totalement le risque d’inondation, car le risque zéro, comme pour tout aléa, n’existe pas.

    En revanche, le danger peut provenir de la rupture des digues provoquant de violents courants et de l’érosion avec en conséquence destruction de bâtiments, de réseaux etc. C’est l’affouillement du pied de la digue qui peut provoquer sa rupture. C’est pourquoi la base d’une digue aux normes est particulièrement renforcée (ce que souvent on ne peut pas voir).

    Par ailleurs, il faut aussi prévoir des déversoirs de sécurité, eux aussi soigneusement renforcés lorsque la digue est submergée. Ils évitent que les débordements se fassent de manière aléatoire et doivent être disposés là où ils feront le mois de dégâts. Mais une rupture de digue reste toujours possible (pas de risque zéro). Cela d’autant que le réchauffement climatique accroit la probabilité de précipitations intenses et donc de crue. C’est pourquoi la « doctrine nationale » stipule  que les digues ne doivent pas servir à accroître les zones constructibles. Hélas, si nous avons bien compris, cela n’a pas force de loi. Par contre les digues qui ne sont pas aux normes sont un véritable danger et il vaudrait mieux soit les reconstruire, soit les éliminer. Nous avons également compris que la règlementation concernant les digues et aussi leur surveillance est très rigoureuse.

    Gilles Brière a conclu en indiquant que les digues aux normes apportaient plus de sécurité que de danger mais qu’il fallait pour autant éviter que ces ouvrages ne servent d’alibi à la poursuite de l’urbanisation à proximité et qu’ils portent trop atteinte à la biodiversité. 

    Le public a pu ensuite poser un certain nombre de questions concernant le Coulon, portant sur les dégâts causés à la ripisylve, l’inégalité de protection rive gauche rive droite, les conséquences d’un éloignement des digues par rapport au lit de la rivière, les effets de l’endiguement sur la nappe phréatique, les moyens de lutter contre l’urbanisation en arrière des digues, la possibilité de proposer à des habitants des zones inondables de déplacer leur lieu de résidence… Cela s’est fait dans un climat de dialogue serein. Les réponses furent forcément succinctes. Bien des questions restent ouvertes et nous comptons bien approfondir le sujet avec Gilles Brière mais aussi avec d’autres personnes compétentes. 

    L’Assemblée Générale 2024

    Une Assemblée Générale à l’image du dynamisme de l’association

    Le samedi 17 février a eu lieu, salle Bouscarle à Cavaillon, l’assemblée générale de notre association. Ce fut un moment très réussi qui a montré que le fonctionnement collégial de nous a permis de libérer les initiatives, de constater que la forme de démocratie participative qui anime AVEC est source de dynamisme. En témoigne le rapport d’activités, mené tambour battant, au cours duquel chacun des cercles a présenté bilan et projets à venir.

    Le cercle vélo a évoqué la réussite de ses vélorutions, les premiers contacts (à poursuivre) avec la mairie dans le but d’améliorer les conditions de circulation à Cavaillon, les actions en partenariat avec les écoles et collèges et un temps fort prévu en mai durant l’évènement national Mai à vélo.

    Le cercle ciné-débat a présenté les 4 ciné-débats accueillis par le cinéma de Cavaillon autour des films Tous résistants dans l’âmeSecrets toxiques, la RivièreTu nourriras le monde, avec pour deux d’entre eux des affluences très fortes (130 et 100 personnes). À chaque fois, des acteurs locaux témoignaient devant la salle de leurs actions en lien avec l’objet du film. Deux de ces ciné-débats se sont faits en collaboration avec d’autres associations (Foll’Avoine et SOS Durance Vivante) et se sont poursuivis par un colloque animé par ces mêmes associations. Enfin deux ciné-débats sont d’ores et déjà prévus : l’Océan vu du cœur le 7 avril et Les roues de l’avenir le 26 mai lors de la Fête du vélo.

    Le cercle rando nous a présenté les 10 randonnées organisées mensuellement par une animatrice et un animateur agréés qui effectuent une reconnaissance avant chaque randonnée. 5 randonnées sont d’ores et déjà prévues avant les vacances d’été.

    Le cercle terre et eau a évoqué la défense des terres agricoles de la ZAC des Hauts Banquets, les 3 contentieux en cours ainsi que les actions engagées pour financer ces recours juridiques et les inventaires des naturalistes qui nourrissent ces recours ; cela en lien avec l’ AEQV de Cheval Blanc et au sein du collectif Sauvons nos terres 84. Dans l’immédiat, une Fête du printemps – Célébrons la diversité du vivant est programmée les 12, 13 et 14 avril. En ce qui concerne l’eau, outre le ciné-débat autour du film La rivière, le cercle a organisé une conférence sur Le partage de l’eau en septembre. Par ailleurs, AVEC représente aussi la FNE au sein de la commission locale de l’eau. Enfin, l’association a multiplié les rencontres avec les associations qui s’opposent à propos de l’endiguement du Coulon et les instances en charge de la mise en place de ce projet afin de préciser sa position. Pour l’avenir, outre le ciné-débat sur l’Océan, une conférence est programmée très bientôt le 1er mars: Faut-il avoir peur des digues ? et une autre le 25 mai sur le Rhône par un batelier naturaliste.

    Le cercle déchets a poursuivi avec succès plusieurs opérations de ramassage de mégots en collaboration avec Tchao-Mégots, des ateliers répare-couture et des animations de recyclage de déchets auprès des enfants. Des ateliers et des opérations des ramassages de mégots et de déchets en bord de Durance ou dans les Sorgues sont envisagés pour la suite, de même qu’une rencontre avec la mairie pour demander l’installation de cendriers au Grenouillet.

    Enfin le cercle alimentation a présenté le site internet qu’il est en train de mettre en place : Vente directe en pays cavaillonnais qui permettra aux consomm’acteurs cavaillonnais de connaitre tous les producteurs et productrices qui font de la vente directe à moins d’un quart d’heure en voiture de la ville.

    L’ensemble des cercles a contribué à la réussite de la Fête des Possibles (du 10 au 24 septembre) : 3 weekends, 12 évènements (des ateliers, des conférences, des rencontres, une fresque du climat et des spectacles). Plus de 300 participants. Enfin des membres de l’association ont participé au Challenge Ma Petite Planète qui s’est traduit par3 semaines de « défis écolo » et de beaux moments de partage.   

    Le rapport financier a montré que la nouvelle grille de cotisation où chacun peut choisir son montant en fonction de ses possibilités (à partir de 1€) a non seulement permis une hausse du nombre d’adhérents mais également des recettes. Cette grille est donc reconduite.

    Pour conclure, le rapport moral en introduction de cette assemblée soulignait le contexte difficile pour les idées que nous défendons : recul en France, face à de puissants lobbys, des mesures de protection du vivant, écologie souvent présentée comme punitive, recul de la possibilité des citoyens de participer à la vie démocratique, destruction des liens de solidarité etc. Face à cela, comme le montre le rapport d’activités, AVEC a continué d’agir de manière déterminée et souvent montré que l’écologie pouvait être festive, conviviale et joyeuse. Un repas partagé a d’ailleurs clôturé cette AG, puis l’après-midi certains ont pu découvrir la fresque de la biodiversité, moment animé par une formatrice de l’association.

    La Rivière

    Un très beau ciné-débat dimanche 19 novembre au Cinéma la Cigale

    Le film de Dominique Marchais La rivière, passé en avant-première, a séduit l’assistance par la beauté de ses images et par la présentation de l’engagement de tous ceux qui, amoureux de la rivière, luttent pied à pied contre sa dégradation. Le prix Jean Vigo qui lui a été attribué nous a paru amplement mérité.

    Notre association AVEC avait organisé ce ciné-débat avec SOS Durance Vivante dont les membres ont animé le débat qui a suivi. Le film, qui présentait la situation des Gaves pyrénéens évoquait la pollution des eaux par les plastiques et par les intrants agricoles, l’épuisement de la ressource par les prélèvements liés à la culture du maïs aussi bien que par la fonte des glaciers, les conséquences néfastes des barrages sur la circulation de l’eau et des alluvions et les perturbations que ces facteurs entrainaient sur la faune (en particulier les saumons, les écrevisses, les insectes…).

    Même si le constat induit à la tristesse, voir tous ces hommes et ces femmes souvent jeunes mettre toutes leurs compétences et beaucoup de temps pour sauver ce qui peut l’être avait quelque chose d’émouvant et de stimulant.

    Le parallèle a bien sûr été fait avec ce qui se passe pour la Durance. SOS Durance, par la voix de Pierre Follet, a présenté les actions menées par l’association et notamment celle qui consiste à donner une personnalité juridique à la rivière à l’instar de ce qui se fait déjà dans certaines régions du monde et aussi en France (pour la Loire par exemple). Tout ce travail aboutit au colloque qui va avoir lieu de 9h à 18h ce samedi 25 novembre au Bio’s à Cavaillon : « Durance, une rivière sans droit, ensemble donnons-lui une personnalité juridique », colloque dont le déroulement nous a été présenté et auquel les présents ont été invités à participer. 

    On fête les Possibles à Cavaillon !

    Première édition de la Fête des possibles à Cavaillon et alentours !

    Plusieurs associations locales déterminées à faire émerger d’autres possibles se sont unies pour concocter un riche programme : conférences, pièce de théâtre, Répare café couture, vélorution, ramassage de déchets, atelier créatif, balade naturaliste, fête des AMAPs, Fresque du climat… Chacun·e trouvera son possible !
    Evènement organisé avec AEQV Association Environnement Qualité de Vie Cheval-Blanc, ICI Association Initiatives Citoyennes Intercommunales, BLOB, les AMAP de Provence et Le jardin du Papet.

    Dimanche 10

    Répare Café Couture Pantalon à rapiécer, chemise à customiser… Venez avec vos vêtements « en attente de réparation », et on s’y met tous et toutes ensemble autour d’un café ou d’une tisane ! Au restaurant Le Bio’s (Cavaillon) de 10h à 12h. Gratuit.

    Vendredi 15

    Conférence – Le partage de l’eau Les canicules et sécheresses successives nous font prendre conscience que la ressource en eau n’est pas inépuisable. Michel Leparquois, professeur agrégé de géographie, abordera la question de la raréfaction de l’eau dans le contexte du dérèglement climatique tant au niveau de notre territoire provençal qu’en France et dans le monde. A 18h30, à la MJC de Cavaillon, participation à prix libre et conscient.

    Samedi 16

    World Clean Up Day à vélo ! Promouvoir les mobilités douces tout en participant au WCUD, ça donne un ramassage de déchets à vélo ! Et pour vous mettre en jambes, le petit déjeuner est offert ! Organisé par l’AEQV Cheval-Blanc, rendez-vous à 9h30 au parking du stade à Cheval-Blanc pour un départ à 10h. Départ groupé à 9h Place du Clos pour les cavaillonnais·es.

    Fresque du climat Pour agir, il faut comprendre ! La Fresque du climat est l’outil idéal pour appréhender les enjeux climatiques et encourager le passage à l’action. De 15h à 18h, lieu à définir. Gratuit sur inscription : 14 participant·es maximum.

    Théâtre « La ferme du bois fleury » / 1ère partie : Terres mortes (Cie de la Posada de Don Quichotte ) Une pièce de théâtre pour réfléchir à l’histoire de l’agriculture en France. « Dans les années 70, deux frères se partagent une ferme. L’un va profiter de la « révolution verte » et cultiver des céréales en conventionnel, l’autre va plutôt expérimenter le petit maraîchage. Pendant cinquante ans nous allons les croiser régulièrement à l’apéro. Ils parlent d’agriculture, de politique et de femmes… tout un programme. Entre désaccords et fraternité, ce seul en scène nous livre un récit rythmé, où le rire et l’émotion se succèdent. Un voyage dans l’histoire de l’agriculture française par deux points de vue diamétralement opposés. » Spectacle tout public. Participation au chapeau. 20h30 au Bio’s – Repas possible à 19h sur réservation 15€, auprès d’Agnès 06 50 37 84 89.

    Dimanche 17

    Créativité nature Enfants et parents Créer avec la terre, créer avec la Terre. Cet atelier se déroulera en deux temps : une sortie pour découvrir les ocres en Provence (dimanche 17) puis élaboration d’oeuvres dans une authentique grotte (dimanche 24). Gratuit sur inscription : maximum 20 personnes (enfants à partir de 2 ans). Rendez-vous à 10h, lieu à définir.

    Vendredi 22

    Conférence – Accueillir la biodiversité dans nos jardins Après une petite présentation de la biodiversité ordinaire, nous verrons comment accueillir au jardin ces bêtes et ces plantes pour en faire un véritable refuge pour la nature. La conférence sera bien sûr suivie d’un apéro ! 🙂 A 18h30, 113 avenue Villevielle à Cavaillon.

    Samedi 23

    AMAP en fête / La fête des producteurs Notre magicien-maraicher de l’AMAP de Cavaillon nous prépare une fête des producteurs chez lui, à Mollégès. Dégustations, ateliers… Que du bonheur pour les papilles ! A partir de 9h, chez Sébastien, 417 Chemin des Carrairades à 13940 Mollégès.

    Première rencontre des Blobeurs Présentation du projet Blob par Helen Larguier, concepteur du projet : après un rappel du contexte par les Shifters (« Seulement 2% d’autonomie alimentaire »), première présentation publique du projet Blob, ainsi que du premier point de vente du réseau Blob et fondation de l’association des BLOBEURS. La rencontre sera suivie d’un Banquet Gaulois de producteurs locaux. A 18h à « La Ferme du Reydet » (818 chemin de Reydet, l’Isle-sur-la-Sorgue).

    Dimanche 24

    Créativité nature Enfants et parents Après avoir découvert la beauté des ocres dans la nature, il est temps de mettre les mains dans la terre et de laisser libre court à sa créativité dans une authentique grotte ! Gratuit sur inscription (même groupe que le dimanche 17). A partir de 10h, 113 avenue Villevielle à Cavaillon. Pique-nique tiré du sac.

    Balade naturaliste – Les arbres du Grenouillet Une balade à la découverte l’arbre au pied de la colline St Jacques. Gratuit sur inscription : 15 adultes maximum (enfants accompagnés illimités). Rendez-vous à 15h sur le parking des arènes au Grenouillet (Cavaillon).

    Spectacle « Un monde possible » / Apéritif de clôture Mise en mots et en danse, à partir de textes créés lors d’ateliers d’écriture animés par Béatrice Santo Velasco (association Initiatives Citoyennes Intercommunales ICI) auprès d’un public en situation de handicap. Un moment poétique pour mettre en résonance l’humain et la nature. Gratuit. A 18h, 113 avenue Villevielle à Cavaillon.

    Inscriptions :

    ZOOM sur les partenaires de la Fête des Possibles

    FNE Vaucluse

    Le restaurant Bio’s

    Confédération Paysanne du Vaucluse

    ADEAR Vaucluse

    AVEPH – Association Vauclusienne d’entraide aux Personnes Handicapées

    Agribio 84

    Biocoop L’Epicurien – Cavaillon

    Intermarché Cavaillon

    Notre Fête des Possibles s’inscrit dans un réseau plus large

    La Fresque du climat

    Le World Clean up Day

    Dans la presse : l’Assemblée Générale 2023

    L’Assemblée Générale de l’association s’est tenue vendredi 10 mars. L’occasion de faire le bilan de l’année 2022, première année en fonctionnement Collégial.

    La Provence, 12 mars 2023

    Chaque cercle a présenté son rapport d’activités pour l’année qui vient de s’écouler, et les projets envisagés pour celle qui vient (cliquez pour accéder aux rapports) :

    Une nouvelle formule d’adhésion a été adoptée, elle permet à chacun·e de s’investir dans l’association selon son envie et ses moyens :

    L’association, nouvellement adhérente à La Roue, accepte désormais cette monnaie locale et alternative pour le règlement des cotisations. Un pas de plus vers un monde différent !

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