Préserver les bases du Vivant

Samedi 5 octobre, dans le cadre de Vivant, Paul a proposé une conférence passionnante mêlant constats scientifiques et questionnements philosophiques. Puisque, finalement, c’est bien de cela qu’il s’agit : quel est le sens que nous voulons donner à nos vies ? La salle de la bibliothèque était comble, et l’assemblée hapée par le propos. En voici quelques éléments pour garder en mémoire la teneur de la présentation, et y revenir autant que nécessaire puiser de l’espoir et l’énergie de continuer.
Tout d’abord, un constat accablant :

75 % des milieux terrestres sont altérés de façon significative et plus de 85 % des zones humides ont été détruites. 66% des milieux marins sont déteriorés.

Cette déterioration des milieux est la principale cause de la 6° vague d’extinction des espèces plus brutale et rapide que les 5 précédentes : la taille moyenne de la population de vertébrés sauvages a décliné de 68% entre 1970 et 2016. 40 % des insectes sont en déclin au niveau mondial. 46 % de la couverture forestière a disparu depuis la préhistoire.

Le dérèglement climatique : l’arbre qui cache la forêt. Pourquoi ?

Si les « puissants du monde » en sont venus pour une part à reconnaitre le Réchauffement climatique, c’est qu’ils y voient la possibilité de faire, d’une autre façon, de belles affaires (relance du nucléaire, voiture électrique avions à hydrogène, usage massif de l’informatique, etc.) et si la catastrophe de l’effondrement des bases du vivant déjà là est en quelque sorte MASQUÉ c’est que l’enrayer implique une remise en cause beaucoup plus radicale : celle de l’idéologie de la Croissance.

Mais, qui est responsable de la poursuite de ce saccage ?
  • On pourrait dire : nos modes de vie, la mondialisation, le capitalisme etc. mais ces formulations sont trop abstraites et ne ciblent pas clairement les vrais responsables. Une autre analyse est proposée : cette catastrophe en cours est l’œuvre d’un ensemble d’hommes et de femmes en réseaux et en lieu (de conflit ou de collaboration) – on pourrait parler d’un écosystème – qui partage cette même idéologie de la croissance, une croyance : la nécessité de faire croitre encore les productions, et propage cette croyance partout au point qu’elle apparait comme naturel, inévitable, fatal ! En ce sens cette croyance s’apparente à une croyance religieuse. Il s’agit de faire en sorte qu’elle soit celle de tous et elle l’est largement devenu.
  • Si ce sont des hommes et des femmes qui sont responsables, cela veut dire que ce qu’ils ont construit ne relève pas d’un mécanisme fatal implacable mais de leur responsabilité et que nous pouvons construire autre chose et c’est motivant.
  • Précisons qui : ce sont en vrac les responsables politiques à toutes les échelles, d’entreprises à toutes les échelles, des responsables organisations internationales comme l’OMC, la banque mondiale, le FMI, des propriètaires de grands médias, etc.
Mais cette croyance n’est pas une évidence et plus encore elle est à la fois INSENSÉE ET DANGEREUSE pour les bases du vivant (comme pour la société)

La croissance dont il est question ici est celle du PIB, seul indicateur retenu aujourd’hui. Pour calculer le PIB, tout ce qui a une valeur marchande est comptabilisé, indépendamment de toute utilité sociale. Un accident de la route produit du PIB, une maladie, la publicité, une guerre…

Au sujet de la croissance, quelques citations clés :

« Nous sommes à bord d’un bus fonçant à pleine vitesse et de plus en plus vite vers une falaise et nous acclamons chaque km/h en plus comme du progrès« 

Timothée Parrique

´« Si vous étiez le PIB, le citoyen idéal serait un joueur compulsif atteint d’un cancer et engagé dans une difficile procédure de divorce, affrontant ses soucis en gobant du prozac par poignées et disjonctant le 1er jour des soldes»

Rutger Bregman

«Le PIB est borgne quant au bien-être économique, aveugle quant au bien être humain, sourd à la souffrance sociale et muet sur l’état de la planète»

E. Laurent

« Passé un certain seuil la croissance cesse d’être une valeur ajoutée devient une valeur arrachée, sorte de razzia du domaine social et écologique, nous détruisons le vivant et le vivre ensemble pour des pubs, des SUV, des repas livrés par des travailleurs précaires et nous osons appeler cela s’enrichir. A quoi bon créer des emplois qui n’épanouissent personne pour produire de manière écologiquement insoutenable afin d’augmenter le pouvoir d’achat (sans pour autant augmenter le pouvoir de vivre) et tout ça pour consommer des produits dont on pourrait se passer »

Timothée Parrique

« Nous faisons l’expérience d’une économie qui, pour produire des biens de consommation souvent en excès, épuise les biocapacités de la planète, surexploite ses ressources, entrave sa capacité à se régénérer et transfère les revenus futurs dans le présent ».

Felwine Sarr

« la production d’objet inutiles, devenu une fin et non plus un moyen, doit être nommée pour ce qu’elle est : une maladie. S’il faut nommer la croissance, alors voyons là comme une croissance tumorale »

Aurélien Barrau
Quelles sont les conséquences de cette recherche effrennée sur le Vivant ?

Extraction de plus en plus de combustibles fossiles et de métaux rares, élevage carcéro-industriel, déforestation massive, agriculture industrielle qui détruit les sols, abuse des pesticides et consomme l’eau en excès, fonds marins saccagés par le chalutage des pêches industrielles,…

La science, la technologie vont-ils nous sauver ?

Les sciences font des choses extraordinaires qui méritent notre admiration. … Chacun d’entre nous mais aussi les stés du monde entier doivent beaucoup à la science et aux technologies. Elles ont permis amélioration de nos conditions d’existences. Mais est-ce que grâce à la science et aux technologies nous allons pouvoir faire croitre indéfiniment la production en dépit des limites qui sont celles de la planète ?

La croissance permanente ne peut se réaliser que dans une fuite en avant vers des technologies toujours plus impactantes.

«Aujourd’hui bien des progrès techniques ne peuvent être réalisés qu’au prix de formidables dévastations au point que l’on hésite plus à dire que l’humanité est en guerre contre la nature, les milieux et les territoires ».

Achille Mbembe

Dans certains cas, certaines technologies qui résultent des avancées scientifiques sont aussi capables, on le sait depuis la bombe d’Hiroshima, Tchernobyl, le recours aux manipulations génétiques, d’engendrer des processus aveugles qui peuvent provoquer des désastres, et cela même si les intentions des inventeurs sont les meilleures.

Cela veut-il dire qu’il faut refuser de continuer à chercher et à inventer ? Non : ce n’est pas en soi que la science et la technologie sont un danger. Elles le deviennent quand elles sont coupées de la question de leur finalité.

«La technique constitue un danger pour l’homme si, au lieu d’être l’instrument elle se substitue au but, c’est-à-dire, détourne à son profit le sens de la vie, en masque la portée essentielle et les fins dernières au point d’effacer la conscience de l’homme ».

Achille Mbembe

Il est donc essentiel de se poser la question, DANS QUEL BUT, ce nouvel outil technique, pour quoi faire cette nouvelle invention. Donc dans quel but mais aussi AU SERVICE DE QUI ?

Dans un système économique où l’on invente pour s’enrichir, les problèmes auxquels réponds l’innovation sont principalement ceux des privilégiés donc assez rarement le soin du vivant, ni l’intérêt général ni l’intérêt des plus des plus vulnérables. Ceux qui formulent des critiques face à certaines avancées des sciences et des technologies sont accusés d’entraver la marche vers le progrès, de vouloir revenir à la bougie… Mais de quel progrès parle-t-on ?

On distingue deux types de progrès : le « PROGRÈS ANTHROPOLOGIQUE qui permet de mieux satisfaire des besoins avec moins de ressources (qui s’apparente à un progrès éco au sens originel du terme) et le PROGRÈS TECHNIQUE DES ÉCONOMISTES LIBÉRAUX qui ne prend en compte que les valeurs monétaires issu de la transformation d’une richesse sociale/écologique en richesse financière ».

Timothée Parrique

Le mythe du progrès (au sens où l’entende les économistes libéraux) qu’il ne faut pas entraver est un dogme de la religion de la croissance qui permet d’excommunier avec mépris ce qui ne sont pas dupes. 

Le psychanalyste marseillais Roland Gori fait clairement le lien entre ce mythe et la domination des puissants qui font passer leur vision du progrès comme naturel et indiscutable :

« La civilisation technique fait préférer l’inanité de l’automate et l’abstraction des algorithmes à la fragilité du vivant ».

« Comment célébrer les sciences, leur puissance d’exactitude sans qu’elle nous mène à la soumission sociale et à la servitude volontaire. Comment conserver les merveilleuses et magiques trouvailles techniques sans nous laisser hypnotiser par les maîtres qui les fabriquent et qui les vendent».

Roland Gori

« Cette idée du progrès associé à l’industrialisation forcenée de la nature et à la rationalisation des moyens de production repose sur une représentation pauvre et erronée de l’être humain appréhendé comme un individu essentiellement préoccupé par le bien-être matériel, la recherche de distraction et le désir éperdu de reconnaissance. Elle présuppose que le consumérisme, la rivalité et le rêve de gloire sont les causes alors que ce sont des effets ».

Corinne Pelluchon

Les puissants prêtres de ce culte de la croissance sont pour partie sincèrement convaincus d’agir pour le bien de tous tant ils sont aveuglés par la religion à laquelle ils croient ! Un peu comme ceux qui ont un temps mis en place l’inquisition pensaient faire le bien de tous en protégeant les populations du danger des idées hérétiques, ils imaginent que les technologies toujours plus poussées permettront une croissance sans limite qui fera le bien de l’humanité, alors qu’ils nous enfoncent toujours plus dans une destruction des bases de la vie. La mise en avant du dérèglement climatique, la croissance verte, le développement durable sont autant de stratagème que l’on peut qualifier de greenwashing (ou camouflage vert) visant à nous faire croire que nos responsables politiques ou économiques agissent et que l’on peut sans dégât pour la planète continuer la croissance. «Si nous voulons éviter l’écueil délétère de la décroissance, nous devons faire le choix résolu de la croissance verte. » (Agnès Pannier-Runacher)

Alors, comment préserver / restaurer ce qui peut l’être ?

  • Empêcher pied à pied dans nos territoires, nos entreprises, au sein de nos activités professionnelles, tout projet écocidaire
  • Mener contre ces projets des luttes juridiques et politiques
  • Déconstruire l’idéologie  qui rend possible la marche en avant vers la destruction des bases du vivant
  • Se donner collectivement une éthique personnelle  et des modes de vie adaptées à la situation

Toutes sont nécessaires et complémentaires.

Des précisions sur les deux derniers points :

  • Déconstruire l’idéologie  qui rend possible la marche en avant vers la destruction des bases du vivant
  • Pour démonter l’idéologie qui imprègne cette marche en avant écocidaire, il s’agit déjà de faire comprendre que la DÉCROISSANCE DANS LES PAYS DU NORD est la solution la plus humainement souhaitable de sorte que :

    «La taille de l’économie ne doit pas dépasser les capacités de régénérations des ressources naturelles et de recyclages des écosystèmes dans lesquels elle rejette ses déchets ».

    « Réduire la production et la consommation pour alléger l’empreinte écologique de manière démocratiquement planifiée, dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être ».

    « Ce sont les consommateurs dont l’empreinte est la plus lourde qui devront en priorité déconsommer et renoncer à une partie de leur revenu. Ce sont les entreprises les plus polluantes qui devront en priorité ralentir leur production et renoncer à une partie de leurs profits. Ce sont les pays les plus destructeurs qui devront faire le plus d’efforts pour réduire leur PIB ».

    Timothée Parrique

    On pourrait aussi comme le fait Eloi Laurent (qui préfère parler d’une éco post croissance) que celle-ci doit suivre un triple objectif :

    • Bien être ICI et MAINTENANT
    • le bien être PLUS TARD (celui de nos enfants ce qui signifie leur léguer une planète habitable où les bases du vivant ne sont pas trop dégradées et ses ressources  pas totalement épuisées )
    • le bien être AILLEURS (ce qui implique notre responsabilité vis-à-vis des pays moins riches).

    Pour ces économistes décroissants ou post croissant, plus un pays COMMENCE TÔT à décroitre, plus légère sera sa décroissance et plus il s’y prend tard plus la décroissance sera abrupte et injuste et peu démocratique car la fin de la croissance est inévitable.

    Pour s’opposer à ce courant de pensée, les partisans de la croissance veulent propager l’idée d’une ÉCOLOGIE PUNITIVE pour tous, alors qu’une économie post-croissance serait surtout punitive pour ceux qui abusent.  Retarder les choix décroissants par peur de déprimer une minorité super riche parait indécent dans un monde où les bases du vivant s’effondrent et où la pauvreté subsiste. Cela fait penser à ceux qui se sont opposés à l’abolition de l’esclavage car cela représentait un sacrifice pour les propriétaires d’esclaves.

    Ce tournant inévitable implique donc une réorientation profonde de l’économie : abandon au plus vite de l’agriculture industrielle monoculturale, et de l’élevage carcéro-indutrielle et on connait les solutions qui permettent à la fois de nourrir les populations et de préserver les sols, l’eau et l’air (ex :  L’AGROFORESTERIE). Ces formes d’agriculture combinent des connaissances et de savoir-faire accumulés par des générations de paysans et de paysannes mais aussi la mise en œuvres de connaissances de plus en plus précises concernant les sols, la vie biologique en leur sein, la variété des espèces existantes et la complexité des écosystèmes. Rien là de rétrograde donc tout au contraire.

    Pourquoi, de l’ail de Chine au Min de Cavaillon ? des roses du Kénya et du Pérou chez nos fleuristes, des vélos avec des pièces venues de nombreux pays et nos excédents alimentaires à bas coûts ? cela est dû au COÛT ARTIFICIELLEMENT BAS de ce qui est transporté sur de longues distances. Ainsi beaucoup de compagnies maritimes échappe à l’impôt grâce aux pavillons de complaisance, échappent aussi au droit du travail et sous payent leur personnel navigant ne repecte pas les normes environnementales et ne paient pas les externalités négatives de leur activités (pollutions des océans, contribution au réchauffement climatique). Il en est de même pour le transport aérien qui ne paye pas ses externalités négatives + kérozene non taxé etc. La décroissance implique une réduction drastique des transports sur de longues distances et de fait l’abandon de projet inutiles et imposés (aéroports, autoroutes, plateforme logistique).

    La décroissance implique de  PRODUIRE MOINS (et donc à travailler moins) MAIS MIEUX : du durable et du réparable  en répondant à de vrais besoins, et non à des besoins artificiellement créer par le harcèlement publicitaire 1000 à 2000 messages/jour, 500 à 1M de panneaux pub en France. Décroitre impliquerait une limitation drastique de la publicité et la mise à bas de l’énorme marché que constitue le recueil des données personnelles de chacun.

    • Se donner collectivement une éthique personnelle  et des modes de vie adaptées à la situation

    Une autre bataille culturelle à mener consiste à DÉCONSTRUIRE LE PARADIGME OPPOSANT L’HOMME À LA NATURE. En effet, depuis le XVII siècle, nous pensons en Europe la nature comme séparée de nous, objet de connaissance, à disposition de nos besoins. C’est une vision qui est donc historiquement très récente et qui n’est pas partagée par toutes les civilisations. « Voir dans la nature un environnement dont l’homme serait maitre et possesseur est une fiction véhiculée par un concept de propriété issu du droit romain » nous dit F. Sarr. Le récit de la création dans la Genèse y est sans doute pour quelque chose. Mais les philosophes des Lumières de Descartes à Diderot au XVII° ont aussi formalisé cette représentation d’une nature objet à notre usage.

    Tout un courant philosophique s’est développé autour de Descola, B. Morizot, Peluchon, V. Despret, N. Martin etc. pour remettre en cause cette vision anthropocentrée du monde. Tous nous invitent à prendre conscience que nous sommes totalement reliés à tout ce qui est vivant. Nous faisons partie du vivant.

    Chez les Achuars « Les plantes, les animaux, les esprits n’étaient pas des composantes de cette abstraction philosophique que l’on appelait chez moi la nature, c’étaient des partenaires sociaux qu’il fallait séduire ou contraindre »  

    Ph. Descola

    Les êtres vivants ne sont pas une matière ou une ressource « la nature n’est pas une machine que nous pouvons casser et réparer »

    F. Sarr

    Cela nous invite donc à nous libérer de la raison économique qui a besoin de TRANSFORMER TOUT CE QU’ELLE TOUCHE EN OBJET y compris les humains (cf « ressources humaines »). Les êtres vivants ne sont pas une matière ou une ressource comme on le voit dans l’élevage carcéro-industriels mais des partenaires.

    Il nous faut faire « l’expérience poétique de la saisie du monde comme totalité vivante, avoir l’intuition que tous les éléments qui nous entourent nous traversent et nous composent ».

    Denetem Touam Bona

    Notre planète est recouverte d’une très fine pellicule de vie mais qui est un tissu extrêmement complexe de mutliples éléments en réseau qui sont totalement interdépendants et dont nous faisons partie. Et comme on le découvre de plus en plus, il y a a au sein du vivant beaucoup plus de coopération que de compétition.  Nous sommes un élément de cette toile d’araignée. 

    Nous sommes tous citoyens de cette collectivité du vivant. C’est l’idée d’une convivialité multi-espèces, un mode d’interaction où nous pouvons même considérer des éléments de la nature comme un sujet de droit, voire les non humains comme des partenaires de vie.

    « Il ne s’agit pas de tenter de prêter aux plantes et aux animaux une intériorité similaire à celle des humains, mais de reconnaître à la fois leur familiarité et leur altérité, […] de rechercher en permanence à leur endroit les égards les mieux ajustés ».

    Baptiste Morizot

    Les égards les mieux ajustés nous conduisent dans nos comportements individuels et collectifs à tenir compte de la sensiblilité et des intérêts des animaux et à développer une nouvelle forme d’humanisme moins anthropocentré.

    «C’est en partant d’une compréhension de l’être humain qui insiste sur la matérialité de son existence et sur sa dépendance à l’égard de la nature et des autres êtres vivants que l’on peut prendre en compte dans toutes nos décisions et dans nos politiques publiques, les intérêts des animaux et promouvoir un modèle de développement écologiquement soutenable et plus juste, au lieu de se centrer sur des préjugés anthropocentristes. Cet humanisme est un humanisme de l’altérité et de la diversité »

    Corinne Pelluchon

    Et donc moi, individu au cœur du vivant qu’est-ce qu’il m’est possible de faire en réseau avec d’autres… COMMENT AJUSTER MA MANIÈRE ET NOS MANIÈRES DE  VIVRE À LA NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER LES BASES DU VIVANT ?

    •  Demandons-nous qu’est-ce qui est important pour nous dans la vie qu’est-ce qui nous tient à cœur ? ce sont la santé, vivre en sécurité, un travail utile et épanouissant, un toit, les relations sociales, le contact avec la nature, l’art. Et pas la possession d’objet… Ce qui veut dire que ce qui compte pour chacun, c’est l’être plus que l’avoir, la qualité plus que la quantité.
    • Aussi, la meilleure défense contre la gloutonnerie à laquelle nous sommes poussés par la société de consommation, c’est d’être gourmand, de savourer ce que l’on a sans vouloir plus. Prendre le temps de déguster, de s’émerveiller : de la qualité d’une relation (qui ne se mesure pas au nombre de like), des beautés et de l’extraordinaire inventivité de la nature, prendre vraiment le temps d’écouter une musique…. Bref ralentir pour mieux profiter de ce que nous donne la vie.
    • Cet émerveillement c’est aussi de savoir que nous sommes des héritiers, que chaque objet, chaque élément de la nature, un paysage est l’aboutissement d’une longue chaîne de transmission de savoirs et de savoirs faire et de travail de beaucoup d’hommes. Imaginons le savoir contenu dans une feuille de papier. Le travail contenu dans un morceau de pain.
    • On sait aussi que ceux qui ont traversé l’épreuve d’une grave maladie ont souvent un désir de vivre plus intense qui les centrent davantage sur l’essentiel

    « La reconnaissance de notre vulnérabilité est l’occasion de procéder à un inventaire distinguant ce qui doit être sauvé et ce qui doit disparaître ou dont on peut se passer pour mieux mener une vie bonne ».

    Corinne Pelluchon
    • La catastrophe dans laquelle nous sommes déjà doit donc nous inciter à mieux cerner ce qui nous est vraiment essentiel, ce qui a vraiment de la valeur …… Si chacun le fait dans les pays riches et au sein des classes moyennes, cela constitue un geste politique fort qui tarit la source consommatrice de l’économie basée sur la croissance illimitée des biens.

    « Le travail sur la frugalité est important sans quoi on se perd dans la quête d’une multiplicité d’expériences qui demeurent inaccomplies, qui ne sont pas fondamentales dans nos existences et qui génèrent toujours plus d’anxiété ».

    G. Firaud et F. Sarr
    • Cela implique de redonner du sens aux limites. A l’opposé de ceux pour qui les limites sont vécues par définition comme dépassables et qui rêvent d’un homme immortel, d’une transhumanité. Il convient de considérer les limites comme relevant justement ce qui nous constitue en tant qu’humain et que cela nous grandit de les regarder en face. Le philosophe Olivier Rey raconte cette belle histoire. Une colombe amoureuse de la vitesse veut aller de plus en plus vite. Elle se plaint de la densité de l’air qui la ralentit et donc la limite. Elle obtient du créateur qu’il supprime l’air qui la ralentit et… elle s’écrase au sol.

    Alors peut-on comme le font nos dirigeants en appeler à la sobriété ?  C’est faire croire que la solution passe par des comportements individuels alors que la solution est collective et politique, c’est nier les injustices sociales.

    Pour conclure, quel gâteau préférez-vous ?

    Celui de gauche plein de sucre de colorants, d’additifs, de gélatine animal ? On nous appelle à le faire toujours plus gros avec plus de travail. Et on épuise pour cela le stock de farine et de produits de bases de sorte qu’il n’y en aura plus pour nos enfants ! Ceux qui nous pousse à le faire plus gros sont ceux qui accaparent les plus grosses parts en laissant que des miettes au plus démunies, en nous disant que plus le gâteau est gros, plus cela ruissellera ! vers ceux qui héritent de miettes ! Mais est-ce que les très grosses parts vous font envie ? Manger jusqu’à la nausée ? (pour le dire autrement, la vie d’Elon Musk ou de B Arnault fait-elle réellement envie ?).

    Celui de droite est plus petit, fait en économisant les ressources disponibles avec moins de travail, et sans aucun produit superflu, fait avec amour. Il est partagé de manière équitable, même si les parts sont plus petites.

    Donc quel gâteau préférez-vous ?

    Et bien c’est cela que nous devons construire : c’est non seulement un objectif réjouissant qui rendra nos vies plus belles, plus gourmandes mais c’est encore possible si nous y mettons toutes nos forces, nos convictions. Et surtout, c’est absolument nécessaire si nous voulons sauvegarder ce qui reste des bases du vivant. Cela nous conduit à chercher collectivement des modes de vie sobres plus respectueux des bases du vivant.  C’est ce que font bien des hommes et de femmes dans des écolieux qui fleurissent un peu partout chez nous et dans le monde.  Mais cela va de pair avec des luttes politiques, juridiques et culturelles contre ceux qui nous mènent toujours plus vite au bord du précipice en contribuant à dégrader toujours plus les bases du vivant. C’est ce que font à leur mesure beaucoup de personnes que nous connaissons tous.